Le décrochage scolaire : quand le train déraille

J’aime comparer le parcours scolaire à un voyage en train. Quand tout se passe bien, les élèves sont « sur les rails », ils avancent plus ou moins vite mais ils avancent. Quand il y a décrochage, les élèves sortent des rails et n’avancent plus. Comme lorsqu’un train déraille, le décrochage est souvent très rapide et brutal. On ne s’y attend pas.

Je distingue l’échec scolaire du décrochage, car il me semble que l’on peut être en échec scolaire sans pour autant avoir décroché. Certains élèves peinent à avoir des notes convenables et pourtant ils s’accrochent, ils essayent, ils sont là. Décrocher c’est devenir hermétique à l’école. Ce qui s’y passe ou ne s’y passe pas n’a plus d’importance. On a lâché, on a baissé les bras, on n’y croit plus.

Rares sont les élèves qui décrochent uniquement car ils comprennent mal leurs cours. En général, le décrochage est fortement lié à une perte de confiance en soi, une démotivation, un manque de sens et parfois aussi des soucis personnels ou familiaux.

Les signes d’un décrochage imminent peuvent, bien souvent, passer inaperçus pour l’entourage : les jeunes peuvent aller en cours, ne pas perturber une classe, ne pas avoir d’absences et pourtant être là sans être là, faire semblant d’avoir cherché un exercice alors qu’ils sont en train de rêvasser. Le décrochage est compliqué à gérer pour les parents qui ne savent pas toujours sur quel pied danser, tiraillés entre l’envie de bousculer leur enfant et la peur de les brusquer davantage au risque d’empirer la situation. Il est aussi compliqué pour les professeurs qui se retrouvent à faire cours devant des classes à vitesses et dynamiques variables.

J’ai accompagné un certain nombre de jeunes ayant décroché, et ce qui m’a le plus marqué, c’est que tous ou presque n’ont aucun problème à persévérer et à s’accrocher dans d’autres domaines, que ce soit le sport ou une quelconque activité extra-scolaire. Preuve qu’ils ont une force en eux qu’ils doivent retrouver pour qu’elle leur serve aussi scolairement.

Mon travail face à ces profils d’élèves, avant même d’être un travail explicatif sur telle ou telle matière consiste à comprendre ce qui les a fait décrocher pour pouvoir les aider à remonter dans le train, retrouver confiance en eux, redonner un sens à leur scolarité, à l’école. S’acharner à essayer de leur faire comprendre un cours quand ils sont hermétiques à tout ce qui a trait à l’école n’a pas réellement de sens dans ces cas-là. Il vaut mieux retrouver du sens et de la confiance en soi d’abord et rattraper les lacunes dans un second temps !